mercredi 22 janvier 2014

Le scénariste Thibault et la Charte : d’abord éduquer


La renaissance des valeurs de base du Québec et de ses lois

François A. Lachapelle
Une démarche éducative et populaire en soi. Le citoyen scénariste Daniel Thibault se prononce sur le projet de Charte de la laïcité du Québec, ( La Presse, 2014-01-21, page A 19 ) avec un article intitulé « Le risque de l’intolérance ». Cette opinion s’insère dans une démarche éducative et populaire. Le corollaire du titre est « la tolérance a ses risques : tolérer l’intolérable ! » Nous verrons.
La démarche éducative et populaire engendrée par la Charte ne peut qu’être enrichissante à cette étape-ci de l’histoire vive du Québec. Elle comprend un brassage d’idées multidirectionnel. D’une part, il y a la vulgarisation d’idées savantes qui est la contribution des citoyens savants, ceux qui réfléchissent depuis des lunes sur le sujet de la laïcité du Québec.
La 2e contribution est celle de Madame et Monsieur tout-le-monde qui témoignent de leur vécu sur le terrain et de sa diversité, ceux-ci étant favorables aux grandes lignes de la Charte. En 3e lieu, la contribution par la négative des anti-chartes est importante, spécifiquement la contribution des opposants prosélytes qui sont en service commandé et rémunéré. J’agglutine ici ceux qui recommandent l’immobilisme de la société en défendant des intérêts souvent cachés.
L’opinion du scénariste Thibault s’ajoute positivement à toutes les autres. À la fin de son texte, le scénariste Thibault reconnaît, je cite : « c’est une question complexe qu’il faut aborder avec doigté » et nous ajoutons « et qu’il faut cependant aborder ».
À titre d’exemple sur le terrain, lors d’une entrevue récente avec Benoît Dutrizac des Francs-tireurs, Lise Payette, en séjour dans le système de santé du Québec, a essuyé un refus d’une préposée voilée, refusant de laver ses parties intimes, sa religion l’en défendant. Pour ceux qui ne bougent qu’avec des statistiques et des études, ce fait vécu n’a pas été rapporté comme plainte.
Revenons au scénariste Thibault, il pose la question : « Mais que fallait-il faire, s’il ne fallait pas faire comme le PQ ? » Sa réponse prioritaire est « surtout éduquer » et c’est ce que fait son opinion même si elle est teintée de partisanerie qu’il dénonce à la fin de son texte.
Tout citoyen qui prend la parole ou le plume mérite le plus grand respect, cela ne le mettant pas à l’abri de contradictions. Le scénariste Thibault ne devrait pas se désoler du débat qui a cours actuellement autour de la Charte parce que, grâce à ce débat, le Québec tout entier vit une intense période d’éducation sociale et populaire.
À cause du projet de Charte, le Québec tout entier est en mode éducation.
Cette éducation en marche est la jonction entre l’individuel et le collectif. Après les dix ans de promotion de l’individualisme et de l’économique néo-libéral du laisser-faire et de la dérégulation de Jean Charest de 2003 à 2012, certains Québécois sont perdus devant le devoir de solidarité et le besoin de renforcement des valeurs fondamentales humaines, autres qu’économiques. Pour tout être humain, créer de la richesse est beaucoup plus que des signes de piastre. Tout esprit fraternel sait à quel point la gratuité est nécessaire, même indispensable dans la vie en société.
Le renforcement des valeurs fondamentales du Québec en ce début du XXIème siècle est d’autant plus nécessaire qu’une partie de la société a été bâillonnée par la loi constitutionnelle canadienne de 1982 et par la vacuité du régime éteignoir de Jean Charest.
Il faut reconnaître avec honnêteté que la conscience collective des Québécois émerge atrophiée par l’imposition de ces camisoles de force depuis plus de 40 ans. De puissants adversaires s’opposent aux aspirations de liberté du Québec comme peuple et nation en se faisant les complices très actifs. Toutes les défaites politiques laissent de profondes blessures sur la psyché collective, ce puissant ressort affectif qui va du courage à la honte.
Faits historiques récents qui marquent le Québec.
Le scénariste Thibault ne peut faire fi de quelques données sociologiques de son peuple comme :
- l’errance identitaire rapportée par les auteurs Roger et Jean-François Payette ;
c.f. : Ce peuple ne fut jamais souverain, Fides 2013, page 79.
- la consécration des valeurs du multiculturalisme de l’art 27 de la loi Constitutionnelle de 1982 ce qui confirme la non-valeur des fondements traditionnels du Canada ( b-b ) ;
- l’échec de l’accord du Lac Meech par des Premiers ministres qui n’ont pas respecté leur signature ; le communautarisme des immigrants comme droit de non-intégration reconnu par le multiculturalisme de la loi de 1982 ;
- le discours mémorable de Robert Bourassa après l’échec de l’Accord du Lac Meech,
ce vendredi 22 juin 1990, je cite : « ... quoi qu’on dise et quoi qu’on fasse, le Québec est, aujourd’hui et pour toujours,... » le Québec bashing autour du projet de Charte de la laïcité du Québec, l’inverse du love-in
du vendredi, 27 octobre 1995 ;
- le projet de Charte de la laïcité du Québec annonce la renaissance des valeurs de base du Québec et de ses lois afférentes.
L’historien Gilles Laporte nous rappelle dans son article intitulé « Le miracle de Carillon » publié dans la page Idées, Le Devoir, p A 7, 21 janvier 2014, que le Québec a souvent été privé de ses symboles qui sont des repères identitaires. Je cite : « Après la conquête de 1760, le Québec a progressivement été dépouillé de ses symboles distinctifs : le castor, la feuille d’érable et jusqu’à son nom de « Canadien ». Un autre exemple est contenu dans l’ajout du mot Labrador au nom de la province de Terre-Neuve uniquement depuis le 6 décembre 2001 alors que le territoire du Labrador recouvre aussi une partie du Québec.
Ceci étant dit, le scénariste Thibault peut avoir confiance dans la démarche d’éducation sociale et populaire qui se déroule sous nos yeux. Un suivi de l’actualité, une consultation des journaux au quotidien, des recherches sur internet incluant des dizaines de témoignages sur youtube, tous ces médias regorgent de contenus éducatifs sur la laïcité, sur l’égalité femmes-hommes, sur les signes ostentatoires des religions, sur la secte Lev Tahor, sur l’islam et tant d’autres études se rapportant au projet de Charte.
Le Québec est en marche pour rattraper le temps perdu.
On l’a fait en 1960 avec la révolution tranquille et on doit le refaire en 2014 dans ce que j’appellerais « la renaissance des valeurs du Québec ». Notre société gagne en cohésion en définissant les valeurs auxquelles elle tient et les visiteurs et immigrants en provenance du monde entier ne peuvent plaider l’ignorance. On peut imaginer que cette prise de conscience sociale risque d’aller plus loin et plus grand qu’on le pense.
Un bel exemple nous est fourni par le volet environnemental : un groupe de Québécois avertis et instruits remettent en question notre dépendance aux hydrocarbures. Cela n’est pas anodin dans le contexte de la Charte de la laïcité du Québec pour qui la vie sur terre et la lucidité sont englobantes.
Les mots « renaissance des valeurs du Québec » ont quelque chose de positif comme la lumière. Cependant, cette affirmation prend toute sa dimension lorsqu’elle est confrontée à son négatif comme en photographie, ou comme dans la peinture hollandaise : les ombres font ressortir la lumière. Donc, dans le débat sur la Charte, il ne faut pas sous-estimer la pertinence des objections qui sont des ombres au tableau. Les affirmations contiennent aussi des « NON » et inversement.
Au lieu de s’attarder aux gros mots qui peuvent se dire et d’apposer son refus à la démarche exploratoire et innovatrice faite par le gouvernement de Madame Marois, le scénariste Thibault devrait donner la chance au coureur et espérer que le présent exercice donne des fruits supérieurs à sa position pessimiste.
L’intelligence des Québécois est un moteur puissant.
Il y aurait tant à dire sur l’enrichissement collectif du débat actuel autour du projet de Charte de la laïcité du Québec. Je retiens les perles suivantes.
Yves Michaud dit aux immigrants de respecter nos valeurs ou de partir. Le journaliste Pierre Foglia dit la même chose, mais autrement, je cite : « ... les immigrants se comportaient en invités. Essentiellement, un invité, c’est quelqu’un qui ferme sa gueule et qui dit merci, merci beaucoup de votre accueil, c’est gentil à vous, merci, merci. » La Presse, 18 janvier 2014, pA5. Inévitablement, des lecteurs oublient de lire au 2e degré un texte comme celui de Foglia comme le démontre Marcos Ancelovici, prof à l’UQÀM (p A 24, La Presse du 22 janvier 2014).
Jacques Leclerc écrit dans La Presse du 5 septembre 2013 p A 23 une opinion intitulée « Message à mes amis musulmans ». Dans cette opinion, nous pouvons lire ceci : « Il a fallu 400 ans au peuple québécois pour briser la domination de l’Église catholique. Croyez-vous que nous allons laisser une autre religion entrer dans nos vies et dans l’espace public ? »
Cette référence historique de Jacques Leclerc est très forte de signification. Les Québécois possèdent une expérience religieuse très riche, doublée de connaissances qui s’appellent livres sacrés, des textes révélés, démarche de foi non rationnelle, vie sur terre suivi du jugement dernier. Plusieurs de ses énoncés se retrouvent dans le Coran et dans les croyances musulmanes.
La tradition religieuse des Québécois leur permet de comprendre l’islam.
À première vue, en s’approchant de la religion de l’islam par de nombreuses lectures depuis le dépôt par le Gouvernement Marois d’un projet de Charte de la laïcité du Québec, intervenu le 10 septembre 2013, j’ai ressenti un fossé culturel qu’il me fallait combler pour comprendre. Mais à bien y penser, et comme l’écrit Jacques Leclerc, l’expérience religieuse des Québécois de souche nous procure un excellent coffre d’outils pour analyser et évaluer une autre religion monothéiste comme l’islam.
Dans le premier paragraphe de cet article, j’écris : « Le corollaire du titre est « le risque de la tolérance » qui consisterait à tolérer l’intolérable ». Le scénariste Thibault propose dans son opinion ceci : « favoriser l’intégration, partager nos valeurs plutôt que les imposer,... »
Sans aller très loin dans un argumentaire, je note que l’auteur Thibault omet de mentionner quels efforts les immigrants doivent faire pour s’intégrer. On a l’impression qu’une grande partie des moyens à mettre en oeuvre pour favoriser l’intégration des immigrants retombe sur les épaules des citoyens qui accueillent les immigrants. Ces citoyens actuels et leurs ancêtres ont construit la société d’accueil et la maintiennent organisée, cohérente avec ses écoles, ses services sociaux et hôpitaux, ses ministères qui touchent à tous les aspects de la vie en société.
J’ai de la difficulté à comprendre les fondements de cette responsabilité à sens unique. J’aime beaucoup mieux la position exprimée par le journaliste Pierre Foglia : « ... les immigrants se comportaient en invités. Essentiellement, un invité, c’est quelqu’un qui ferme sa gueule et qui dit merci, merci beaucoup de votre accueil, c’est gentil à vous, merci, merci. » Cette position n’est pas arrogante quand on pense à tous les services auxquels les immigrants ont accès presque dès le premier jour de leur arrivée. Ces services leur sont offerts à titre gratuit et ce sont les autochtones, les de souche et les intégrés de toutes les époques qui ont travaillé et payé pour cette corbeille de biens et de soins.
Comme mon père dirait à tous, immigrants compris : n’ayez pas peur de vous salir les mains ! Je sais, je sais : il y a des profiteurs autant chez les de souches que chez les immigrants. Il est très difficile de compter sur des prédateurs-profiteurs pour partager le bien commun mais cela ne doit pas empêcher les honnêtes et généreux citoyens de construire une société viable.
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