mardi 11 février 2014

Exclusif : 84% des salariés sont pour la neutralité religieuse dans les entreprises


C'est une quasi-unanimité : 84% des salariés interrogés par l'institut Sociovision pour son enquête annuelle sur la société française préfèrent que les religions restent en dehors de l'entreprise. L'ampleur du consensus a de quoi surprendre : peu importe leur âge, leur sexe, leur statut, tous pensent à une forte majorité que « l'entreprise doit rester un endroit neutre et ne pas prendre en considération les revendications d'ordre religieux ». Les trois quarts des pratiquants d'une religion sont d'accord ! Mais cette préférence laïque s'inscrit sur un fond de crispation et de moindre tolérance envers les étrangers. Fait-religieux publie en exclusivité les principaux résultats, commentés ici par Catherine Caron, directrice d'études chez Sociovision

La question de la religion au sein de la sphère professionnelle est une problématique qui prend de l'ampleur. Dans une France devenue plurielle en termes d'origines ethniques et culturelles, les dirigeants d'entreprise et les DRH se voient de plus en plus souvent confrontés à des salariés qui revendiquent un droit d'expression religieuse au sein de l'entreprise : possibilité de prendre un temps pour la prière au cours de la journée, jours de congés accordés pour les fêtes religieuses, autorisation du port de signes religieux sur le lieu de travail, etc.

Si les managers s'interrogent légitimement sur l'attitude à adopter face à ces nouvelles demandes, l'opinion des salariés sur la prise en considération de la religion dans l'entreprise ne laisse pas de place à l'ambiguïté : la très grande majorité d'entre eux se prononcent en effet pour le  respect d'un principe de laïcité : 60% partagent « tout à fait » l'idée que « l'entreprise doit rester un endroit neutre et ne pas prendre en considération les revendications d'ordre religieux » et 24% y souscrivent « plutôt », soit un total de 84%.

69% de musulmans favorables à la neutralité

Un score conséquent qui ne révèle pas de différences significatives liées au sexe, à l'âge ou au statut. La pratique religieuse est, en revanche, un critère plus clivant. Le taux d'adhésion à la neutralité de l'entreprise est moindre chez les salariés pratiquant une religion (74%) que chez les non-pratiquants ou athées (84%) ; de même, le type de religion a une incidence : les salariés se réclamant de l'islam, qu'ils soient pratiquants ou non-pratiquants, sont moins enclins à se déclarer pour la laïcité dans l'univers du travail (69%), que les catholiques (87%), par exemple. Des écarts relativement mineurs néanmoins, qui ne remettent pas en cause le large consensus autour du principe de neutralité religieuse de l'entreprise. Celui-ci reste nettement majoritaire dans toutes les catégories.

Lorsqu'il s'agit des implications concrètes dans le fonctionnement interne de l'entreprise, les salariés s'expriment très majoritairement, et de plus en plus, dans le même sens : 23% seulement trouvent aujourd'hui « normal que l'on aménage le lieu, les horaires de travail ou la restauration collective pour tenir compte des pratiques religieuses » ; ils étaient 30% en 2010.

Crispations vis-à-vis des étrangers

Une moindre acceptation des entorses faites à la laïcité qui intervient dans un contexte de crispation vis-à-vis des étrangers. Alors que la situation économique se dégrade et que la cohésion nationale apparaît fragilisée, l'ouverture à l'autre tend à s'effriter, notamment quand « l'autre » est d'origine étrangère (et a fortiori lorsqu'il est de culture et de religion différentes). Aujourd'hui, à peine 52% des Français pensent que « la présence d'étrangers appartenant à d'autres cultures est une chance pour la diversité et l'avenir de la France », soit 7points de moins par rapport à 2010, et près de deux sur trois (63%) estiment qu'« il y a trop d'étrangers en France », contre un peu plus d'un sur deux il y a quatre ans (55%).

L'expression moins décomplexée des croyances religieuses et la montée des revendications dans ce domaine, en particulier quand il s'agit de l'islam, avive le sentiment que les valeurs républicaines sont menacées et contribue à revigorer l'attachement à la laïcité comme liberté fondamentale collective. La religion est, de fait, réaffirmée comme relevant du domaine strictement privé.

Un réflexe de défense face aux intérêts particuliers, qui montre aussi que les salariés sont particulièrement soucieux que l'entreprise, qu'elle soit privée ou publique, demeure un creuset d'intégration républicaine, dans la fidélité à l'un de ses principes fondamentaux. Néanmoins une conception un peu différente de la laïcité semble se dessiner chez les salairés se réclament de l'islam. On, l'a vu 69% d'entre eux se disent favorables à la neutralité religieuse de l'entreprise, mais ils sont 63% à trouver « normal que l'on aménage le lieu, les horaires de travail ou la restauration collective pour tenir compte des pratiques religieuses ». Dans 95% des cas, les demandes à caractère religieux concernent l'islam, selon l'étude Institut Randstad/Observatoire du Fait Religieux en Entreprise de mai 2013.

Source : L'Observatoire de Sociovision. Enquête annuelle réalisée chaque année en juin-juillet auprès d'environ 2000 personnes de 15 à 74 ans, représentatives de la population française, quota Insee. 
Echantillon salariés : 1031 dans la vague 2010, et 1062 dans la vague 2013.

http://www.fait-religieux.com/france/laicite-1/2014/02/11/exclusif-84-des-salaries-sont-pour-la-neutralite-religieuse-en-entreprise

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