vendredi 13 décembre 2013

Lettre ouverte aux indépendantistes « purs et durs »

La tentation du nouveau départ



L’auteur d’une longue analyse publiée mercredi dans la Tribune libre de Vigile , Luc Bertrand, semble presque regretter que le Québec soit dirigé par un gouvernement du Parti Québécois. Ses arguments, souvent entendus ailleurs, reprennent ceux des militants que la télé fédérale se plaît à nommer les « purs et durs », par opposition aux péquistes impurs qui « font de la politique et ne cherchent qu’à être élus ». C’est comme reprocher à un marteau de ne pas être une scie.
Depuis quatre ou cinq ans, notre correspondant pur et dur a souvent proposé de créer une nouvelle force politique hors du PQ. Il faut repartir à zéro, on ne peut plus compter sur cette formation indépendantiste, soutient-il. Mais les faits sont têtus, l’immense majorité des membres et électeurs du Parti québécois continuent de soutenir le plus important parti populaire du Québec. Ils ont de la mémoire et se souviennent sans doute que d’autres sirènes ont déjà chanté cet hymne à la division du vote indépendantiste devant les mener à la victoire.
Ce n’est pas si simple de fonder un nouveau parti ou un mouvement politique comme le Rassemblement pour l’indépendance nationale (RIN). Il en faut du temps et des efforts avant de recruter des milliers de membres pour avoir de solides assises dans toutes les régions du Québec. L’un des pionniers du RIN, Marcel Chaput, a quitté les rangs de ce mouvement en décembre 1962 pour fonder le Parti républicain du Québec (PRQ). L’aventure a été de courte durée, le PRQ a disparu l’année suivante alors que le RIN se transformait à son tour en parti politique. Le virus de la division atteint aussi le RIN en 1964 lorsqu’un groupe de droite se détache du parti pour fonder le Regroupement national (RN).
Le RN forme une alliance avec les créditistes du Québec et devient le Ralliement national, union qui sera plus tard dirigé par le député indépendant Gilles Grégoire, un ancien du groupe de Réal Caouette. Son RN connaît lui aussi une vie plutôt brève et finit par se joindre au MSA de René Lévesque pour ensuite créer le Parti québécois. L’élan de cette nouvelle formation est telle que le RIN décide rapidement de se saborder en incitant ses membres à se joindre au PQ en 1968. Il a fallu encore dix ans de travail avant que le PQ prenne finalement le pouvoir le 15 novembre 1976, soit 17 ans après la naissance de l’Alliance Laurentienne, le mouvement indépendantiste mis sur pied par Raymond Barbeau en 1959.
D’autres purs et durs ont été des compagnons de route du PQ pendant des années mais un profond malaise s’est installé entre les deux ailes du parti après l’échec du référendum de 1980 et le flirt de René Lévesque avec le beau risque de Brian Mulroney. L’échec de l’accord mort-né de Meech, la création du Bloc québécois, la défaite du référendum en 1995, l’arrivée au gouvernement de Lucien Bouchard et plusieurs autres secousses ont tour à tour secoué le parti . Le doute sur la volonté de « Saint-Lucien » de poursuivre la lutte a accentué le schisme. Des groupuscules prônant des réformes sociales davantage que la liberté du pays ont rompu avec le mouvement indépendantiste pour fonder Québec solidaire. Cette coalition de gauchistes a rapidement tourné ses canons vers le PQ plutôt que vers le fédéralisme, minant ainsi les chances du parti de prendre le pouvoir. Puis ce fut la dégringolade avec André Boisclair, le doute continuant de s’étendre dans les rangs.
Avec l’arrivée de Pauline Marois à la tête du Parti québécois et l’adoption de sa politique de gouvernance souverainiste, le PQ a cessé de faire de la stratégie sur la place publique. Malgré la défaite des troupe de Jean Charest et la multiplication des scandales qui éclaboussent sa formation et ses complices, le PQ a été incapable d’obtenir un gouvernement majoritaire. De nombreux militants soutiennent que cette courte victoire est attribuable au fractionnement du vote anti-PLQ entre trois formations plus ou moins souverainistes. L’avenir du gouvernement Marois sera de nouveau entre les mains de ces petits partis aux prochaines élections. Dans cette perspective, réchauffer encore l’idée de « repartir à zéro » semble carrément surréaliste. Cela ressemble fort à du masochisme, voire de l’autodestruction.
Chacun reconnaît ici que le PQ est loin d’être parfait, mais il a porté au pouvoir un gouvernement formé d’indépendantistes qui posent des jalons et font avancer la cause. En fait-il autant que nous le souhaitons ? Non. Doit-il aller au-delà des discours et poser des gestes d’affirmation nationale ? Sans doute. N’est-ce pas ce que fait la Charte de la laïcité avec son rejet de la doctrine multiculturelle d’Ottawa ? Doit-il aussi expliquer encore et toujours pourquoi nous devons faire le pays ? Certainement. Il doit convaincre les Québécois de renoncer à ce système de nature coloniale. Nous mener vers la liberté. Serions-nous plus en mesure d’y arriver en étant tous réunis dans une grande coalition indépendantiste ? Poser la question c’est y répondre.
Plutôt que d’entretenir la chimère du perpétuel recommencement on peut, par exemple, se joindre au SPQ Libre et pousser le PQ pour l’amener à faire davantage qu’un bon gouvernement provincial. Faire élire des candidats qui nous ressemblent et lui rappeler constamment ce que disait Pierre Bourgault : « Nous ne voulons pas être une province comme les autres, nous voulons être un pays comme les autres ».
http://www.vigile.net/Lettre-ouverte-aux

Aucun commentaire:

Publier un commentaire