La décision du Pape d’accueillir trois familles de Syriens uniquement de religion musulmane est un acte politique fortement symbolique.
Guillaume Bernard
Politologue et maître de conférences (HDR) à l’ICES (Institut Catholique d’Etudes Supérieures).
La récente décision du pape d’accueillir, dans la capitale du catholicisme, trois familles de Syriens uniquement de religion musulmane est un acte politique fortement symbolique. Or, quand certains, en particulier des chrétiens d’Orient, ont osé dire leur incompréhension et penser devoir dénoncer le silence complaisant du plus grand nombre des catholiques, ils se sont vus opposer une réaction offusquée. Il serait indigne de critiquer la conduite du souverain de la cité du Vatican : ne pas lui faire entièrement confiance manifesterait une prétention à lui donner des leçons.
Bien des catholiques prennent cependant des libertés dans tout ou presque de ce qui regarde leur religion : dans la célébration des sacrements ou dans l’enseignement de la doctrine de la foi, là où devrait régner une stricte discipline. Mais, à propos d’un acte éminemment politique, celui qui entend le discuter se voit, sinon voué aux gémonies, du moins sommé d’abdiquer sa raison et sa conscience. Voilà le principe d’obéissance profondément déréglé et l’infaillibilité pontificale assurément hypertrophiée, tous deux étant portés au-delà de leurs limites traditionnelles.
Les thuriféraires d’une autorité ecclésiastique toute-puissante, y compris dans le domaine politique, semblent tout de même quelque peu gênés puisqu’ils instrumentalisent deux discours, parfaitement contradictoires, pour justifier l’acte du vicaire de Jésus-Christ. L’un prétend qu’il aurait été piégé par des bureaucrates car les familles chrétiennes qu’il devait aussi emmener n’avaient pas leurs papiers en règle ; il aurait donc dû se résigner à ne convier que des musulmans. L’autre affirme qu’accueillir, cette fois, exclusivement des disciples de Mahomet serait un geste prophétique traduisant une géniale stratégie diplomatico-théologique.
Pourtant, ces argumentaires sont l’un comme l’autre contestables. Avec le premier, les musulmans sont mis sur un pied d’égalité avec les chrétiens. Des catholiques, et le premier d’entre eux, peuvent-ils sérieusement considérer l’idéologie musulmane qui nie la divinité de Jésus-Christ comme aussi légitime que leur foi ? D’aucuns en viennent à craindre que le Saint-Père accorde à ses protégés un lieu de prière à deux pas du tombeau de saint Pierre. Et pourquoi pas même une église d’où serait retirée la présence réelle pour ne pas les indisposer ? Dans le traitement des réfugiés, l’indifférenciation des victimes directes (celles qui risquent leur liberté et leur peau) et indirectes (celles qui vivent dans de mauvaises conditions mais ne craignent pas les représailles islamistes) pourrait être interprété comme un paroxysme d’iniquité.
Dans le cadre du second, il est assez péremptoirement affirmé que le Pontife de l’Église universelle donnerait une cinglante et efficace leçon de morale au monde musulman. Comme si celui-ci fonctionnait à l’aune des mêmes critères que la chrétienté. Les catholiques peuvent-ils vraiment s’imaginer que l’acte du serviteur des serviteurs de Dieu (mais pas n’importe lequel) imposera une telle admiration et reconnaissance aux foules musulmanes, les frappera d’une telle stupeur que les persécutions subies par les chrétiens cesseront, que la liberté de pratiquer publiquement leur culte leur sera reconnue partout où l’islam domine et que des musulmans se convertiront en masse ? Ils semblent incapables d’envisager que cet acte puisse être pris par les tenants de l’islamisme d’une manière exactement inverse : pour une manifestation de faiblesse, un comportement de dhimmitude, une permission de redoubler le martyre des chrétiens et une acceptation implicite, voire une collaboration active à la conquête musulmane.
Si la charité aime aussi et malgré tout les ennemis et œuvre pour leur conversion, d’aucuns pourraient considérer qu’une pratique qui préfère l’ennemi à l’ami, qui vient en aide au lointain au détriment du prochain traduit une vertu dénaturée. Il n’y a qu’un discours catholique de vérité à tenir à l’islam : ce n’est pas la religion des musulmans qui doit changer, pour en éradiquer par exemple les excès, ce sont les musulmans qui doivent changer de religion.
Bien des catholiques prennent cependant des libertés dans tout ou presque de ce qui regarde leur religion : dans la célébration des sacrements ou dans l’enseignement de la doctrine de la foi, là où devrait régner une stricte discipline. Mais, à propos d’un acte éminemment politique, celui qui entend le discuter se voit, sinon voué aux gémonies, du moins sommé d’abdiquer sa raison et sa conscience. Voilà le principe d’obéissance profondément déréglé et l’infaillibilité pontificale assurément hypertrophiée, tous deux étant portés au-delà de leurs limites traditionnelles.
Les thuriféraires d’une autorité ecclésiastique toute-puissante, y compris dans le domaine politique, semblent tout de même quelque peu gênés puisqu’ils instrumentalisent deux discours, parfaitement contradictoires, pour justifier l’acte du vicaire de Jésus-Christ. L’un prétend qu’il aurait été piégé par des bureaucrates car les familles chrétiennes qu’il devait aussi emmener n’avaient pas leurs papiers en règle ; il aurait donc dû se résigner à ne convier que des musulmans. L’autre affirme qu’accueillir, cette fois, exclusivement des disciples de Mahomet serait un geste prophétique traduisant une géniale stratégie diplomatico-théologique.
Pourtant, ces argumentaires sont l’un comme l’autre contestables. Avec le premier, les musulmans sont mis sur un pied d’égalité avec les chrétiens. Des catholiques, et le premier d’entre eux, peuvent-ils sérieusement considérer l’idéologie musulmane qui nie la divinité de Jésus-Christ comme aussi légitime que leur foi ? D’aucuns en viennent à craindre que le Saint-Père accorde à ses protégés un lieu de prière à deux pas du tombeau de saint Pierre. Et pourquoi pas même une église d’où serait retirée la présence réelle pour ne pas les indisposer ? Dans le traitement des réfugiés, l’indifférenciation des victimes directes (celles qui risquent leur liberté et leur peau) et indirectes (celles qui vivent dans de mauvaises conditions mais ne craignent pas les représailles islamistes) pourrait être interprété comme un paroxysme d’iniquité.
Dans le cadre du second, il est assez péremptoirement affirmé que le Pontife de l’Église universelle donnerait une cinglante et efficace leçon de morale au monde musulman. Comme si celui-ci fonctionnait à l’aune des mêmes critères que la chrétienté. Les catholiques peuvent-ils vraiment s’imaginer que l’acte du serviteur des serviteurs de Dieu (mais pas n’importe lequel) imposera une telle admiration et reconnaissance aux foules musulmanes, les frappera d’une telle stupeur que les persécutions subies par les chrétiens cesseront, que la liberté de pratiquer publiquement leur culte leur sera reconnue partout où l’islam domine et que des musulmans se convertiront en masse ? Ils semblent incapables d’envisager que cet acte puisse être pris par les tenants de l’islamisme d’une manière exactement inverse : pour une manifestation de faiblesse, un comportement de dhimmitude, une permission de redoubler le martyre des chrétiens et une acceptation implicite, voire une collaboration active à la conquête musulmane.
Si la charité aime aussi et malgré tout les ennemis et œuvre pour leur conversion, d’aucuns pourraient considérer qu’une pratique qui préfère l’ennemi à l’ami, qui vient en aide au lointain au détriment du prochain traduit une vertu dénaturée. Il n’y a qu’un discours catholique de vérité à tenir à l’islam : ce n’est pas la religion des musulmans qui doit changer, pour en éradiquer par exemple les excès, ce sont les musulmans qui doivent changer de religion.
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