merci Claire Dionne
Trois élections ont eu lieu le mardi 5 novembre aux Etats-Unis. Sous différents aspects, elles envoient un message qui n’incite pas à l’optimisme.
La première est l’élection au poste de maire de la ville de New York. Pour la première fois depuis 1994, New York aura un maire démocrate. Cela signifie qu’il aura fallu près de vingt années pour que l’héritage laissé par le désastreux David Dinkins soit effacé des mémoires : sous David Dinkins, New York était, faut-il le rappeler, une ville en situation de banqueroute financière, et une ville où les agressions étaient nombreuses, une ville aussi où des quartiers, tels le South Bronx étaient dans un état de délabrement digne de villes du tiers monde. Le souvenir de l’héritage de David Dinkins est donc effacé. Les années où Rudy Giuliani a redressé la ville sont effacées aussi. Les années Michael Bloomberg, où le redressement s’est consolidé, même si Bloomberg a fait montre d’inclinations environnementales et diététiques étranges et parfois dignes d’un écologiste à l’européenne, vont elles-mêmes s’effacer.
Il est socialiste : il ne cesse lui-même de l’affirmer
Le nouveau maire de New York, Bill de Blasio (né Warren Wilhelm, Jr) incarne cet effacement. Il n’est pas simplement démocrate. Il est socialiste : il ne cesse lui-même de l’affirmer. Il a eu des sympathies marquées pour l’Union Soviétique au temps où celle-ci existait encore : il l’a affirmé à plusieurs reprises, jusque dans les années récentes. Il a travaillé pendant dix ans pour les sandinistes, ce mouvement marxiste du Nicaragua qui a remplacé un dictateur, Anastasio Somoza, par une dictature soutenue par l’Union Soviétique et par le régime castriste de Cuba : et il ne s’en cache pas. Il s’est rendu plusieurs fois à Cuba et s’est prononcé aussi en faveur du régime castriste. Il a été membre du New Party, un parti explicitement socialiste auquel Barack Obama a lui-même appartenu. Il a bénéficié du soutien d’ACORN au temps où cette organisation existait et ne s’était pas encore auto-dissoute après qu’il ait été révélé qu’elle entendait oeuvrer à la légalisation de la présence sur le sol américain de prostituées mineures venues d’Amérique centrale.
Il a, bien sûr, soutenu des mouvements tels qu’Occupy Wall Street. Il n’a jamais travaillé de sa vie, sinon dans la politique politicienne et a, précisément, commencé sa carrière dans l’entourage de David Dinkins : c’est là qu’il a rencontré son épouse, une activiste gauchiste qui était militante lesbienne à l’époque et a publié un texte sur le sujet.
Sur quel programme a-t-il été élu ?
Des promesses d’augmentation massive d’impôts pour les plus riches, dans une ville où les impôts sont déjà très élevés. Des promesses de création d’emplois publics, de rétributions financières aux syndicats censés garantir ces emplois. Des promesses de redistribution et de construction de logements sociaux. Des promesses aussi de veiller à ce que la police n’exercer aucune activité de « harcèlement ». Il s’agit donc de tenter d’acheter, classiquement, les voix des uns avec l’argent des autres, d’accroître la fonction publique, quitte à créer des emplois inutiles, et de s’assurer le soutien de groupes de pression. Il n’est pas du tout certain qu’il pourra tenir toutes ses promesses, car, pour nombre d’entre elles il lui faudra l’aval du gouverneur de l’Etat de New York. Néanmoins se profile le spectre d’un retour à la banqueroute et à l’insécurité. Ceux qui ont envie de retrouver un New York coupe gorge, avec quartiers insalubres, seront comblés. Les très riches seront indifférents : ils vivent dans un autre univers. Les moyennement riches vont fuir vers le New Jersey, Long Island, New Rochelle, Yonkers. Les financiers pourront être tentés de quitter Wall Street. New York est peuplée d’une majorité de membres de « minorités », et ne compte plus que trente pour cent de WASP, White Anglo Saxon Protestants. Les Juifs votent massivement démocrate, quel que soit le candidat, et le fait que Bill de Blasio en travaillant pour les sandinistes, a travaillé pour des antisémites qui ont détruit la synagogue de Managua et chassé la communauté juive du pays ne les a pas dérangé : ils ont voté pour de Blasio à hauteur de 78%. Consternant.
Des tendances lourdes sont à l’oeuvre. Elles sont à l’oeuvre dans toute l’Amérique où les « minorités » ont un poids de plus en plus important et votent démocrate, quel que soit le démocrate, avec une remarquable indifférence à tout ce qui peut entacher le passé du démocrate en question.
La deuxième élection est la réélection de Chris Christie au poste de gouverneur du New Jersey. Si l’élection de Chris Christie a un premier mandat a été un événement légitimement salué, puisque Chris Christie a été le premier républicain élu depuis longtemps à ce poste, il a ensuite gouverné comme un centriste, voire comme un démocrate, a pris publiquement des positions hostiles aux tea parties, s’est affiché tout aussi publiquement avec Barack Obama, contribuant à la réélection de celui-ci. Chris Christie incarne aujourd’hui l’aile « modérée » du parti Républicain, l’appareil du parti, et aussi une force d’inertie : quoi qu’il dise, les dépenses du New Jersey n’ont pas baissé, les taxes et impôts de l’Etat non plus, le chômage est aussi élevé dans l’Etat que lorsqu’il a été élu à un premier mandat.
Il a été réélu en pratiquant le clientélisme, en obtenant des subventions du gouvernement fédéral, et en se montrant « consensuel ». Cela fait de lui un prétendant sérieux à l’investiture républicaine en 2016, et, dirai-je, un prétendant sérieux à une défaite républicaine. Après le « modéré » John McCain qui a voulu faire une campagne impeccable contre Obama, sans attaquer celui-ci concernant son passé, et après le « modéré » Mitt Romney, qui a oscillé entre positions mordantes contre Obama et positions « consensuelles », pourquoi le parti Républicain ne choisirait-il pas un candidat « modéré » ? Je vous le demande. Et pourquoi ne contribuerait-il pas à l’élection de Hillary Clinton, grande favorite dès aujourd’hui ? Ni John McCain ni Mitt Romney n’ont su mobiliser la base du parti Républicain. Mitt Romney n’a pas su attirer les gens qui se sont levés contre Obama avec les tea parties. Chris Christie n’a rien pour attirer ces gens. Le parti Républicain pense qu’en ciblant le centre et les indécis, il a des chances de l’emporter. Le malheur pour lui est que les Démocrates visent aussi le centre et les indécis, et, lorsqu’il s’agit de promettre de la redistribution, feront toujours mieux que les Républicains.
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La troisième élection est celle au poste de gouverneur de la Virginie. Elle a vu s’affronter un lobbyiste Démocrate qui a travaillé pour les Clinton, Terry McAuliffe, et un Républicain soutenu par les tea parties, Ken Cuccinelli. Le lobbyiste démocrate l’a emporté, de justesse : il avait contre lui des histoires financières troubles, mais elles n’ont eu aucun poids. Il avait pour lui des promesses de redistribution.
Lorsqu’il est apparu qu’il risquait de perdre, un candidat libertarien a fait son apparition qui a ôté à Cuccinelli juste assez de voix pour qu’il perde, et ce candidat s’est révélé avoir été financé par des soutiens de Barack Obama (tout en étant soutenu par le Cato Institute, hélas). Cuccinelli a subi, par ailleurs, une campagne de diffamation d’une rare violence, digne, elle aussi, des campagnes menées par Obama contre ses adversaires. La débâcle que constitue la mise en place de l’Obamacare (débâcle sur laquelle je reviendrai) a affaibli McAuliffe, mais pas assez pour qu’il perde.
Dois-je l’ajouter ? Le Parti républicain, qui a soutenu Chris Christie massivement, n’a pas soutenu Ken Cuccinelli, ou très modérément, si bien que McAuliffe a disposé pour sa campagne de deux fois plus de moyens financiers que Cuccinelli.
On a donc vu là que le passé trouble des candidats ne compte pas, car les « low information voters » sont nombreux, que les promesses de redistribution ont un effet croissant aux Etats Unis, que la diffamation de l’adversaire, aussi sordide soit-elle, paie, qu’au besoin, les démocrates peuvent susciter une candidature de division pour gagner, et que le Parti républicain « officiel » préférait la victoire d’un démocrate à celle d’un Républicain soutenu par les tea parties. McAuliffe doit aussi sa victoire à un changement de la population de Virginie, Etat où sont installés des immigrants de fraîche date et un nombre croissant de gens travaillant pour l’administration fédérale à Washington. La Virginie a longtemps été un Etat conservateur, grâce à un électorat travaillant pour les bases militaire de l’Etat.
Tout n’est pas perdu, mais il faudrait vraiment un sursaut des tea parties, porté par des gens tels que Ted Cruz et une débâcle exacerbée de l’Obamacare pour inverser ce qui se dessine. Et ce qui se dessine n’incite pas à l’optimisme, non.
Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Guy Millière pour Dreuz.info.
A propos de l'auteurGuy Millière, (spécialisation : économie, géopolitique). Titulaire de trois doctorats, il est professeur à l'Université Paris VIII Histoire des cultures, Philosophie du droit, Economie de la communication et Maître de conférences à Sciences Po, ainsi que professeur invité aux Etats-Unis. Il collabore à de nombreux think tanks aux Etats-Unis et en France. Expert auprès de l’Union Européenne en bioéthique, Conférencier pour la Banque de France. Ancien visiting Professor à la California State University, Long Beach. Traducteur et adaptateur en langue française pour le site DanielPipes.org. Editorialiste à la Metula News Agency, Israël Magazine, Frontpage Magazine, upjf.org. Membre du comité de rédaction d’Outre-terre, revue de géopolitique dirigée par Michel Korinman. Rédacteur en chef de la revue Liberalia de 1989 à 1992 Il a participé aux travaux de l'American Entreprise Institute et de l'Hoover Institution. Il a été conférencier pour la Banque de France, Il a participé à l'édition d'ouvrages libéraux contemporains comme La constitution de la liberté de Friedrich Hayek en 1994 dans la collection Liberalia, puis dans la collection « Au service de la liberté » qu'il a créée aux éditions Cheminements en 2007. Il a également été rédacteur en chef de la revue éponyme Liberalia de 1989 à 1992. Il a été vice-président de l'Institut de l'Europe libre ainsi que Président et membre du conseil scientifique de l'Institut Turgot. Il fait partie du comité directeur de l'Alliance France-Israël présidée par Gilles-William Goldnadel. Il est l'auteur de plus d'une vingtaine d'ouvrages.
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