jeudi 12 décembre 2013

Un peu d'histoire... le droit de vote des femmes

Droit de vote des Québécoises

Pas à pas, la quête des Québécoises pour l’égalité politique



1791 -1849 : Un pas en avant, deux en arrière…

L’Acte constitutionnel de 1791 accorde la qualité d’électeur à certains propriétaires et locataires sans distinction de sexe. C’est ainsi que certaines femmes du Bas-Canada qui ont les qualités requises interprètent cet « oubli » constitutionnel comme une autorisation pour voter. Elles sont, semble-t-il, les seules dans l’Empire britannique à se prévaloir de ce droit . Cependant, l’air du temps n’est pas féministe et l’histoire se charge de ramener les femmes à leurs activités domestiques. Dans La Minerve du 3 février 1834, Louis-Joseph Papineau exprime clairement la mentalité de l’époque : « Il est odieux de voir traîner aux hustings des femmes par leurs maris, des filles par leurs pères souvent contre leur volonté. L’intérêt public, la décence, la modestie du sexe exigent que ces scandales ne se répètent plus » . Tant et si bien qu’en 1849, sous le ministère La Fontaine-Baldwin, on corrige cette « irrégularité historique » en interdisant formellement aux femmes de voter.

1912 - 1922 : Les débuts du mouvement suffragiste

Au Québec, il faut attendre le 20e siècle pour que s’amorce un véritable mouvement de lutte pour l’abolition de la discrimination électorale faite aux femmes. C’est d’abord sur le front fédéral que s’amorce la lutte. En 1912, la Montreal Suffrage Association mobilise ses forces pour l’obtention du droit de vote à ce palier. La cible est atteinte en 1918.
Dans les autres provinces, les suffragettes sont actives. Le Manitoba est la première province à accorder le droit de vote aux femmes en 1916, suivie dans la même année par la Saskatchewan et l’Alberta. En 1917, la Colombie-Britannique et l’Ontario se joignent au mouvement. La Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, et l’Île-du-Prince-Édouard autorisent respectivement le droit de vote aux femmes en 1918, 1919 et 1922.
Seules les Québécoises sont exclues de la vie politique et il leur faudra attendre encore plusieurs années pour que leur droit soit rétabli.

1922 - 1940 : La croisade des suffragettes pour l’égalité

  • Les militantes s’organisentLe mouvement suffragiste québécois est essentiellement urbain et l’oeuvre d’une minorité de femmes avant-gardistes pour l’époque.

    C’est en 1922 que le Comité provincial pour le suffrage féminin (CPSF) voit le jour. Les membres de cette organisation sont pour la plupart issus de la Montreal Suffrage Association et de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste. Les militantes anglophones et francophones s’unissent donc pour la même cause. Au début, le Comité est coprésidé par Mme Marie Gérin-Lajoie et Mme Walter Lyman. Une scission intervient au sein du groupe en 1927. Dès lors, deux femmes prennent le leadership du mouvement suffragiste, Idola Saint-Jean avec l’Alliance canadienne pour le vote des femmes du Québec et Thérèse Casgrain avec le Comité du suffrage provincial qui devient, en 1929, la Ligue des droits de la femme.

  • Les adversairesLa quête pour les libertés démocratiques est longue et la route pavée d’écueils. Les adversaires sont nombreux. Le clergé, les politiciens, les journalistes, la majorité des femmes, bref, la société en général ne souscrit pas à l’idée de voir les Québécoises devenir des citoyennes à part entière. Pour comprendre cette attitude, il faut se rappeler les mœurs et les valeurs véhiculées à l’époque. L’affranchissement politique des Québécoises signifie, pour la plupart des opposants, la fin d’un ordre social dont le fondement repose sur l’exclusion des femmes. Exclusion confirmée dans le Code civil adopté en 1866, lequel consacre, entre autres, l’incapacité juridique des femmes mariées.

    Pour l’essentiel, les arguments contre le droit de vote portent sur la place des femmes au foyer et sur leur rôle de gardienne de la race canadienne-française.

    La lutte des femmes pour le suffrage universel donne lieu à des débats houleux. Les propos suivants traduisent bien les obstacles et les préjugés auxquels sont confrontées les suffragettes :

    « L’entrée des femmes dans la politique, même par le seul suffrage, serait pour notre province un malheur. Rien ne le justifie, ni le droit naturel, ni l’intérêt social; les autorités romaines approuvent nos vues qui sont celles de tout notre épiscopat. » (Propos du cardinal Bégin (source : Cap-aux-Diamants, no 21, printemps 1990, p. 23).
    « On invoque l’argument de similitude avec les autres provinces, comme si pour certains le progrès consiste à singer ce que font les autres. Québec a ses traditions, ses coutumes et elles sont sa force et sa grandeur. Advenant l’adoption de ce bill, la femme ressemblerait à un astre sorti de son orbite. » (L.-A. Giroux, conseiller législatif (Wellington), extrait des débats du 25 avril 1940 à l’Assemblée législative.)
    « …les Canadiennes françaises risquent de devenir des « femmes publiques », « de véritables femmes-hommes, des hybrides qui détruiraient la femme-mère et la femme-femme ». (Henri Bourassa, fondateur du quotidien Le Devoir, (source : Cap-aux-Diamants, no 21, printemps 1990, p. 20).
  • La stratégie de combatC’est donc dans ce contexte que la lutte des femmes s’inscrit. Le combat s’organise sur deux axes. D’abord, les militantes initient des opérations médiatiques auprès de la population en général. Manifestations publiques, utilisation des médias, campagnes d’information savamment orchestrées permettent au mouvement suffragiste de « transformer » petit à petit les mentalités et de s’allier une opinion publique largement réfractaire au départ.

    Simultanément à cette opération marketing, elles font du lobbying auprès des parlementaires à l’Assemblée législative du Québec. En 1922, puis à partir de 1927 jusqu’à la victoire, les suffragettes marchent littéralement sur Québec. Chaque année, elles trouvent un parlementaire favorable à leur cause pour parrainer les projets de loi sur le suffrage. C’est le député Henry Miles qui accepte d’introduire le premier de ces projets de loi. De nombreux pèlerinages et quatorze projets de loi sont nécessaires avant de remporter la victoire.

    Soutenu par le premier ministre Joseph-Adélard Godbout, le Projet de loi 18, sanctionné le 25 avril 1940, met fin à la discrimination électorale faite aux femmes. Les Québécoises peuvent désormais voter et se faire élire.

1940 - 2000 : Soixante ans après

Le 25 avril 1940 marque la fin d’une dure bataille et le début d’une ère nouvelle où les femmes poursuivent le combat pour leurs droits et l’amélioration de la société. Toutefois, ce n’est qu’en 1961 qu’elles ont une voix dans l’enceinte parlementaire. Cette voix, c’est Marie-Claire Kirkland-Casgrain. Première femme élue et la première à être ministre, elle fait avancer la cause des femmes en présentant un projet de loi qui, en 1964, met fin à l’incapacité juridique des femmes mariées.
Cependant, la présence significative des femmes à l’Assemblée nationale ne se fait sentir que dans les années 80. Il faut attendre 1985 pour que les candidates élues dépassent la dizaine : 18 en 1985, 23 en 1989 et 1994, pour atteindre finalement 29 aux élections générales de 1998, soit 23 % des sièges.
L’égalité politique des femmes et leur accès au pouvoir ont permis de faire évoluer les lois et d’initier de nombreuses mesures qui ont contribué à l’évolution de la société québécoise. À cet égard, rappelons que depuis l’adoption de la Charte québécoise des droits et libertés en 1975, toute discrimination fondée sur le sexe est interdite.
La lutte des femmes pour leurs droits s’est faite pas à pas où, comme le disait Thérèse Casgrain à propos du combat des femmes pour le suffrage universel : « Si on y met le temps, on arrive à cuire un éléphant dans un petit pot! »

2 octobre 2000

Le 2 octobre 2000, le Directeur général des élections du Québec (DGEQ), le Conseil du statut de la femme, la Commission de la capitale nationale et l'Assemblée nationale ont procédé au dévoilement d'une affiche soulignant le 60e anniversaire du droit de vote des femmes. « L'artiste, Mme Brigitte Labbé, nous offre une femme sereine, une femme qui appartient à toutes les époques, une femme " libre de faire entendre sa voix ". L'affiche produite à partir de cette oeuvre se veut un hommage à toutes les femmes, car il n'est pas de démocratie sans elles. »

--------------------------------- Et pour nos consoeurs de France --------------------------------

LA CITOYENNETÉ POLITIQUE DES FEMMES
le vote et l'éligibilité des femmes...
... vers la parité



Aucun commentaire:

Publier un commentaire