Consultations sur la charte québécoise de la laïcité
Les islamistes, toutes officines confondues, se précipitent pour présenter leurs mémoires à la commission chargée de mener les consultations. Les sites web et les média québécois bouillonnent. Sur l’un d’eux, j’ai glané cette phrase énigmatique :
« Ce n’est pas le Coran qui est le problème, c’est ce qu’on en fait. »
J’ai fait un effort, mais je n’ai pas compris cette idée.
Que peut-on bien faire du Coran ? Soit les dirigeants musulmans en font un texte de référence dans tous les domaines pour leur nation, soit ils le déclarent publiquement obsolète. Soit on l’enseigne dans le système éducatif, soit on ne l’enseigne pas. Soit on s’en inspire dans la législation du pays, soit on se contente de légiférer sans lui. Soit on le valorise et on en fait la promotion auprès de la société, soit on le dédaigne. Soit on l’intègre dans les média publics, soit on ne l’intègre pas. C’est à peu prés ce genre de choses qu’on peut faire globalement avec le Coran.
Dans un pays musulman, on ne peut pas lui faire dire ce qu’il ne dit pas. On ne peut pas en retrancher un verset ou toute une sourate.
Par exemple les religieux peuvent débattre sur la notion de « désobéissance » dans le verset qui recommande au croyant de corriger son épouse, mais pas débattre sur le principe-même de battre l’épouse désobéissante. Exemple : le mari ordonne à son épouse de ne plus revoir son frère qui boit un coup de temps en temps et celle-ci désobéit. Aurait-il raison de la bastonner ou non ? Puis le débat dérive pour finalement faire le procès du frère en question.
Autre exemple de débat au sujet du même verset : comment frapper son épouse désobéissante ? À coup de poing ? En lui donnant des gifles ? Combien ? Les coups de pied sont-ils licites ? Le bâton peut-il être utilisé ? Si oui quelles seraient ses dimensions licites ? Et la ceinture ? Est-il halal de faire couler le sang ou de laisser des marques de coups ?
Voila ce qu’on peut faire d’autre avec le Coran. Peaufiner la charia, c’est tout.
Je viens d’un pays musulman, l’Algérie. Là bas, le Coran c’est le Coran. On n’en fait rien. On le lit, on le récite, on le diffuse, on s’y réfère, on s’en sert tel quel. On ne lui fait rien dire d’autre que ce qu’il dit. Dans les cours d’éducation islamique que j’y ai reçus à l’école, tout se passait bien. Si un verset dit qu’il faut combattre les mécréants, le professeur nous le disait le plus naturellement du monde, puisque c’est pour leur bien. Leurs femmes et leurs enfants sont kidnappés, mais c’est pour qu’une âme charitable musulmane « s’occupe » d’eux. Personne ne s’en offusquait. Ni les parents, ni les voisins, ni le maire, ni le commissaire, ni l’inspecteur d’académie, ni le directeur d’établissement, ni le député, ni le ministre. Encore moins le président de la République !
Dans le discours officiel et au sein du petit peuple, je n’entendais parler ni d’islamistes, ni de fondamentalistes, ni d’intégristes, ni d’islam modéré, ni d’islam extrémiste. Cela est le problème des Occidentaux. Ces concepts sont exclusivement utilisés par les journalistes francophones de la génération qui a fréquenté l’école française. Ils sont plutôt laïques, du moins jamais pratiquants, complètements coupés de la population. Ces journalistes s’adressaient à leur propre microcosme et aux Kabyles alphabétisés.
Pourquoi l’islamisme monte-t-il en flèche dans le monde musulman ? C’est tout simplement parce que la population et le taux de scolarisation augmentent en flèche. Pratiquement tous mangent à leur faim dans les grandes villes. Il y de plus en plus de jeunes qui ont accès directement au Coran. Il y a de plus en plus de jeunes qui fréquentent les sites web islamistes et les réseaux sociaux. Avant, les gens, majoritairement analphabètes, étaient dépendants des imams pour recueillir des bribes de leur religion. Ces imams, peu nombreux étaient eux-mêmes quasiment analphabètes et sortaient des zaouyates traditionnelles. Maintenant, des universités forment des cohortes d’imams à n’en plus finir. On en exporte même en Europe.
De plus, autrefois, les gens passaient beaucoup de temps à gagner leur vie, le plus souvent dans des travaux agricoles très pénibles. L’analphabétisme, la pauvreté, l’absence de média, la difficulté de communication, la rareté des mosquées et des imams, faisaient que les gens ignoraient presque tout de leur religion.
Pour les pays d’Afrique du Nord, l’enseignement francophone a été abandonné au profit de la « langue nationale », l’arabe. Il y a donc de plus en plus de jeunes qui ont accès directement au texte coranique d’origine. Il y a de plus en plus de jeunes qui comprennent la langue arabe classique, langue de prêche, des hadiths, du Coran, des débats télévisés, de la propagande islamique etc. et cela sans aucun autre discours parasite, ni en arabe, ni dans une autre langue.
C’est peut-être paradoxal, mais c’est la modernité, la technologie, la démocratisation de l’éducation, l’abondance de la nourriture, la disponibilité des soins de santé, la généralisation des moyens de communication et de transport, l’amélioration des conditions de vie et l’ouverture sur le monde qui font exploser la religiosité en Afrique du Nord. Ces facteurs libèrent les individus et les rendent plus disponibles pour lire, écouter, réfléchir, partager, discuter, s’informer, agir… Bref, le « progrès » renvoie doucement le monde arabo-musulman au 7e siècle. Ce paradoxe est difficile à comprendre pour un Occidental.
Pourquoi je raconte tout cela à des Québécois qui s’en tapent royalement ? Parce que c’est de cette population urbaine et pseudo-moderne que sont extraits les immigrants qui arrivent en Occident. Ces gens ont tous les attributs extérieurs de la modernité, intelligents, rationnels, polyglottes, informés, mais rejettent consciemment les idées qui vont à l’encontre de leur culture, de leur religion, de leur civilisation. Ce ne sont pas de pauvres gens vulnérables, ignorants, crevant la dalle et qui sont à la merci des salafistes et des takfiristes, donc à accommoder. Ce ne sont pas des gens qui ont besoin de protection, de paternalisme et d’éducation.
Venant des grandes villes des pays arabo-musulmans, ils sont épanouis, connaissent assez la démocratie pour s’en servir, et sont capables d’évoluer à l’aise dans les grandes métropoles occidentales, avec une grande estime d’eux-mêmes. Vous verrez, lors des débats sur la charte de la laïcité au Québec, leurs élites présenteront des mémoires qui feront suer la plupart de leurs contradicteurs. Ils militent autant qu’ils peuvent pour diffuser et faire valoir partout dans le monde leur vision de l’univers. Ils œuvrent pour une mondialisation parallèle à la mondialisation néolibérale occidentale : la mondialisation de la vision islamique de l’Univers.
Les pauvres bougres musulmans qui vivent dans le désert, dans les steppes ou dans les montagnes de leurs pays n’ont aucune chance d’émigrer en Occident. Loin d’eux la prétention d’aller vivre dans une grande métropole occidentale. Cela ne leur vient même pas à l’idée. Ils n’ont peut-être jamais vu de passeport de leur vie. S’ils restent dans les zones rurales à vivre de la terre, c’est parce qu’ils ont peu d’instruction. Si vous en parachutez un à Montréal, il voudrait retourner chez lui au bout de 2 jours. Il n’y pourrait pas fonctionner comme ses coreligionnaires citadins.
Le dilemme est là : si le Québec favorise l’immigration issue des villes arabo-islamiques, il doit s’attendre à accueillir une majorité qui peut fonctionner, mais qui poserait des problèmes d’ordre religieux ou communautaires par le biais de leurs élites.
S’il veut par contre éviter ce genre de problèmes, il doit puiser dans les zones rurales des pays arabo-musulmans, mais il accueillera des gens qui ne pourront pas fonctionner et qui s’en retourneront vite chez eux.
Arilès
http://www.kabyles.net/Quebec-Actuellement-le-debat-sur,11127
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