Malgré les tentatives pour éradiquer les mutilations génitales féminines (MGF) et leur récente reconnaissance comme forme de persécution et de violation des droits humains par les Nations unies, ces pratiques persistent, s'accrochent, meurtrissent encore. Plus de 125 millions de filles et de femmes en ont été victimes dans le monde, 30 millions d'autres pourraient en faire les frais dans les dix prochaines années, selon un rapport publié par l'Unicef en 2013.
En 2012, le Conseil des droits de l'Homme des Nations unies a pourtant adopté une résolution appelant à l'interdiction de la mutilation génitale féminine (MGF). Le 15 mars 2013, la France se félicitait de l'adoption de conclusions sur la prévention et l'élimination des violences contre les femmes et les filles. Peu à peu, la stigmatisation et l'interdiction des MGF a fait son chemin. Si dans la plupart des pays où ces pratiques sont en vigueur, les femmes sont les premières à les exécuter, elles sont de plus en plus nombreuses à vouloir y mettre un terme. Et pour se protéger, elles ou leurs filles, nombre d'entre elles choisissent l'exil. Selon l'UNHCR, 20 000 femmes originaires de ces pays demandent l'asile à l'Union européenne (UE) chaque année.
La France est la destination privilégiée par celles qui ont été mutilées ou qui risquent de l'être. En 2011, 4 230 femmes, jeunes filles et fillettes - en majorité originaires de Guinée, du Mali et du Congo – y ont demandé l'asile ; environ 670 demandes étaient directement liées aux risques de MGF dans leur pays d'origine. Fatiha Mlati, directrice de l'intégration à France Terre d'asile, insiste pour un accueil ciblé de ces femmes en situation de fragilité. Interview lors du colloque "Excision : les défis de l'abandon".
FRANCE 24 : Il a fallu attendre 2012 pour que la France reconnaisse les MGF comme un motif recevable à la demande d'exil. Pourquoi si tard ? Fatiha Mlati : Il a fallu attendre trente ans, et que le mouvement féministe passe par là, pour que les mutilations sexuelles s'inscrivent dans le champ des persécutions faites aux femmes.
Avant, ces pratiques n'étaient pas condamnées, ni en France, ni au niveau international, au nom du relativisme culturel. Sous ce prisme, et au nom du droit à la différence, l'excision était considérée comme une coutume, donc explicable et acceptable. Mais le combat contre les MGF relève des droits de l'Homme et ils sont universels. Il s'agit de défendre l'idée que le corps de la femme lui appartient et que nul ne peut contrôler son désir ou sa fécondité. Et c'est d'ailleurs pour cela que nous, qui travaillons à défendre le droit à l'intégrité des femmes, plaidons pour la reconnaissance du "genre". Les mutilations sexuelles contribuent-elles à la construction sociale des sexes ?
F. M. : Tout à fait. Il faut bien comprendre que l'excision est un outil de domination patriarcale pour contrôler le corps, le désir, la sexualité des femmes. Les MGF font partie des persécutions liées au genre. Le "genre" est un concept, un outil de protection et de compréhension. C'est une grille de lecture des rapports sociaux, qui permet de combattre le relativisme culturel et de sortir d'une vision uniquement centrée sur le sexe. Cela souligne qu'aucune coutume, tradition ou considération religieuse ne peut justifier ces violences.
La "théorie du genre", telle qu'elle nous a été présentée dans les récentes manifestations et marches pour la vie, est une manipulation des réseaux de droite et d'extrême droite. Ses pourfendeurs se saisissent de débats de société pour défendre une France mythique, repliée sur elle-même et sur ses valeurs. Comme ils s'étaient saisis de la question migratoire, qui a toujours été instrumentalisée politiquement. La France est le pays des droits de l'Homme, le pays choisi pour cela par les demandeurs d'asile, elle doit se battre avec force pour ses valeurs. Quels sont les défis de la France dans la poursuite du combat qu'elle mène depuis des années contre les MGF ?
F. M. : On ne pourra prendre en compte, de manière spécifique et avec qualité, les femmes victimes de MGF que si l'on repose la question de l'ensemble du système d'asile, en crise. Tous ses compteurs sont au rouge. Il faut des procédures justes et transparentes, dans des délais raisonnables, un accompagnement et un hébergement proposés systématiquement. Et recueillir le récit de ces femmes dans des conditions optimales pour aider à leur insertion. Pour les femmes demandeuses d'asile, quand elles obtiennent la protection de la France et qu'elles ont vocation à rester sur le territoire national, il y a des actions à mener en terme d'inclusion sociale. Apprendre la langue, trouver un logement, un travail, mais aussi des éléments de l'ordre de la formation citoyenne. Il faut qu'une aide à la compréhension et à l'appropriation des valeurs républicaines soit mise en œuvre. C'est le meilleur moyen de combattre la reproduction des mutilations génitales féminines parmi les populations immigrées en France.
http://www.news-republic.com/Web/ArticleWeb.aspx?regionid=2&articleid=18727295
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