Deux femmes portant le voile passent dans la rue. Mes amis américains et moi échangeons des regards de confusion. C’est ainsi qu’a commencé un débat politique sur la terrasse d’un café, dès notre première journée en France.
Une femme voilée de 18 ans, qui s’était rebellée pour éviter un contrôle d’identité début août à Roubaix (Nord), a été condamnée mardi 30 octobre à six mois de prison avec sursis et à 100 euros d’amende par le tribunal correctionnel de Lille.
Ce n’est pas le port du voile qui nous rend perplexe, c’est la conception française de la séparation de l’Église et de l’État. Une conception française difficile à comprendre pour les Américains.
Lorsque la loi de 2011, qui interdit le port du voile et de tous les autres symboles religieux voyants, a été adoptée, le Département d’État du Président Obama a réagi par la négative, déclarant qu’une telle interdiction est une «répression systématique de la liberté de religion».
La liberté de religion
La liberté de religion, la liberté individuelle et la liberté d’expression sont des valeurs typiquement américaines. Elles sont garanties par le premier amendement de la Constitution ainsi que par la loi de séparation de l’Église et l’État. Cela signifie qu’aucune religion ne peut interférer avec le gouvernement et que, de même, le gouvernement ne peut pas interférer avec l’expression individuelle de la religion, qu’il s’agisse d’une personne ordinaire ou d’une figure gouvernementale.
La France connaît elle aussi cette notion de liberté religieuse. Dans la loi de 1905 qui sépare l’Église et l’État, il est indiqué dans l’article 1 que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes ». Pourquoi l’application de la liberté religieuse diffère-t-elle alors entre les deux pays ?
En 2010, lorsque le Pape a reçu le président Nicolas Sarkozy, le public français a eu une réaction négative : il a perçu la visite de leur président comme une menace contre la laïcité. Alors qu’au contraire, les candidats présidentiels américains parlent souvent publiquement de leur religion, utilisant leur foi comme un signe de « bon caractère ». De plus, «God bless you» (« Dieu vous bénisse ») est l’expression la plus couramment utilisée pour clore un discours présidentiel.
Il ne fait aucun doute que les deux pays sont laïques et démocratiques, cependant, il est évident que la religion n’est pas traitée de la même façon dans les deux États. Peut-être que c’est l’histoire propre à chaque nation qui a conduit à deux points de vue différents concernant la religion ?
Un concept au coeur de la démocratie américaine
Pour un américain, le concept de la liberté religieuse est au cœur de sa démocratie. La nation américaine a été fondée sur un idéal : être un refuge pour tous ceux qui fuient la persécution religieuse. Pour cette raison, les Américains ne comprennent pas pourquoi la France est si désireuse d’effacer toute religion de la sphère publique. Mais les États-Unis n’ont jamais connu leur gouvernement contrôlé par une institution religieuse.
La laïcité française est née de la peur
Le pouvoir autoritaire de l’Église dans le passé français – en particulier concernant son soutien aux contre-révolutionnaires – a conduit les Français à l’anticléricalisme. Le rapport passé difficile avec l’Église a rendu les français paranoïaques, tant et si bien que les relations avec la religion, au sens général du terme, sont aujourd’hui considérées comme un tabou. C’est le résultat de tous les efforts menés par les différents gouvernements français pour maintenir la religion (et par extension toutes les religions) hors de la sphère publique. La position stricte de la France sur la laïcité conduit les Américains à croire que la laïcité américaine est née de la liberté tandis que la laïcité française est née de la peur.
Peut-être qu’en France, suite à la longue histoire tumultueuse avec la religion et la diversité religieuse croissante, il est plus facile d’éviter complètement le sujet de la religion. Cependant, quand la religion n’est pas seulement une croyance, mais aussi un aspect culturel et social, peut-on vraiment l’effacer de la sphère publique ?
Michelle H. Nguyen
http://journal-regards.com/2012/10/30/laicite-et-liberte-religieuse-peuvent-elles-saccorder-le-point-de-vue-dune-americaine/
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