Il est heureux de rappeler que les jeunes, loin d'être désintéressés ou «intimidés», sont bel et bien présent dans le débat sur la Charte de la laïcité. Brice Dansereau-Olivier, secrétaire de Québec inclusif, vise juste lorsqu'il affirme, dans un texte paru dans Le Devoir , que bien que le manque d'accès aux tribunes publiques traditionnelles et le faible poids démographique jouent contre eux, «les jeunes ont été plus que présents tout au long de cet interminable débat.»
En réaction au dossier du Devoir sur les jeunes et la Charte, nous tenions au sein de Génération Nationale sensiblement les mêmes propos que M. Dansereau-Olivier.
Si les jeunes apparaissent moins présents et mobilisés dans l'espace public, c'est peut-être qu'aujourd'hui, dès lors que leur mobilisation n'atteint pas les sommets obtenus lors du «printemps érable», il advient qu'on considère leur implication comme négligeable. Pourtant, ce n'est pas parce que les jeunes ne sont pas dans la rue et que les trois grandes associations étudiantes ne prennent pas position que les jeunes ne se sentent pas interpellés, qu'ils ne posent pas d'actions et qu'ils ne réfléchissent pas aux enjeux liés à la laïcité de l'État.
Si nous joignons notre voix à celle de M. Dansereau-Olivier pour rétablir que la participation des jeunes au débat est bien réelle, nous estimons cependant que le secrétaire de Québec inclusif aurait gagné à ne pas simplement louanger le camp pro-Charte et rappeler que, si les jeunes prennent position, cela peut être en défaveur, mais également en faveur du projet de loi 60 dans son entièreté. Il est déplorable que M. Dansereau-Olivier suggère que le fait que les jeunes appuient peu la Charte de la laïcité - un élément appuyé par un simple sondage - prouve en soi qu'ils en débattent, mais plus navrant encore est qu'il laisse entendre que la position anti-Charte de nombreux jeunes en est une naturelle et évidente. C'est un peu comme si le camp des anti-Charte avait le monopole de la vérité; comme si Québec Inclusif était le porte-parole officiel de «la jeunesse». C'est bien sûr inexact. Il importe de parler de la jeunesse et comment elle se positionne, mais nuançons s'il vous plaît. Il aurait été intéressant de nommer que plusieurs organisations jeunes se sont prononcées en faveur de la Charte. Et pas seulement les ailes jeunesse du PQ, du Bloc et plusieurs organisations jeunes de différents syndicats.
Faisons simplement état de Génération Nationale (GN), un regroupement de jeunes indépendantistes qui présentera sous peu un mémoire en Commission parlementaire.
À l'égard du projet de loi 60, la jeune organisation - à laquelle, en toute transparence, l'auteur de ces lignes contribue - considère que la politique proposée par la Charte - en rompant avec le bonententisme et avec la recherche perpétuelle du consensus qui ne vient jamais - reconnecte admirablement avec le sens de l'État et de l'Histoire. La Loi 101 de 1977 est révélatrice en ce sens: le geste décrié comme étant «radical» aujourd'hui devient pure normalité demain, alors que les effets bénéfiques du renversement de la dynamique qu'il implique se font sentir.
Selon GN, le pire des scénarios serait un autre recul, et ainsi que nous tombions dans le Bouchard-Taylorisme - souvenons-nous que le Rapport Bouchard-Taylor en était un d'acceptation canadienne. Un régime canadien reposant notamment sur une foi aveugle dans l'idéologie multiculturalisme, celle-ci qui nie le projet de vivre ensemble par une segmentation sociale et culturelle nourrit par un communautarisme pernicieux.
Si certains - visiblement allergiques aux concepts de collectivité et de choix de société - préfèrent ne parler qu'en termes de «droits individuels», témoignant d'une obsession pour l'émancipation personnelle comme seul horizon de vie et d'un manque flagrant de perspectives sociales, nous considérons qu'il faut voir dans la Charte la réaffirmation d'une culture nationale à travers l'État et l'établissement de règles formant la base du vivre ensemble.
Au final, il advient que si les jeunes participent au débat, on ne doit point les percevoir comme un bloc monolithique. Ni Québec inclusif ni Génération nationale n'a le monopole de la vertu et de la vérité. La jeunesse est multiple; réjouissons-nous qu'elle participe au débat sur la Charte de la laïcité et prêtons l'oreille à ses arguments, d'un côté comme de l'autre.
Source : Le Devoir
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