MATHIEU BOCK-CÔTÉ - 22 NOVEMBRE 2013
L’affaire du niqab en garderie me conduit à cette brève réflexion. Il est fascinant de voir à quel point le respect obligatoire de toutes les croyances et de leurs implications sociales, au nom, bien souvent, du respect de la «diversité», conduit inévitablement à une dissolution de toute réflexion politique dans la mièvrerie des bons sentiments. On nous dit : vive le respect de la différence. D’accord. Mais de toutes les différences, vraiment? Ou la différence est-elle un bien en soi, peu importe la réalité qu’elle recouvre?
On nous dit : il faut non seulement respecter la liberté de l’autre, mais il faut aussi endosser ses choix, et s’interdire de les critiquer, parce qu’on risquerait alors de fragiliser son estime de lui-même. Autrement dit, la liberté de chacun d’exprimer publiquement son authenticité ne s’accompagne plus de la liberté des autres de juger du bon ou du mauvais usage de cette liberté. Comment ne pas y voir une forme de liberté d’expression à sens unique?
On cherche à fabriquer une culture aseptisée, ou la moindre réflexion sur les valeurs ou la société cherchant à transcender les limites de l’individualisme radical est suspectée d’intolérance. Et dès qu’un comportement culturel est dénoncé, on s’indigne d’une supposée chasse aux sorcières. Et on invitera ainsi l’école, peu à peu, à promouvoir le respect de toutes les croyances, quelles qu’elles soient, et le système médiatique, par ses voix les plus autorisées, se reconnaîtra un semblable programme. C’est le triomphe de la pensée molle.
Ce n’est pas le moindre des paradoxes de voir que des symboles culturelles absolument archaïques, qui symbolisent objectivement une forme de ségrégation sexuelle radicale, contraire aux fondements de la civilisation occidentale, parviennent à justifier leur présence dans notre société en retournant contre elle la logique des droits de la personne. Il y a un angle-mort dans la culture des droits, mais nous nous interdisons d’y réfléchir. Le niqab en garderie au nom des droits de la personne? Il fallait y penser.
En fait, cette forme d’amour obligatoire de «l’autre», quel qu’il soit, prescrit par l’idéologie multiculturaliste empêche la réflexion, la pensée, l’examen critique des croyances et des idées. D’ailleurs, à «l’autre», parce qu’il est «autre», on pardonnera des choses qu’on reprocherait à n’importe quel individu ayant le malheur d’appartenir à la majorité, groupe honni, s’il en est un, toujours soupçonné de vouloir imposer ses valeurs par la force.
Il faudrait pourtant le dire : toutes les croyances ne sont pas indistinctement respectables et l’absolutisation de l’individualisme crée à terme les conditions d’une désagrégation sociale profonde. À tout le moins, si toutes les croyances peuvent s’exprimer publiquement, il ne devrait pas être interdit, au même moment, de les critiquer aussi librement qu’on le souhaite. Cela, bien évidemment, dans le respect des règles élémentaires de la courtoisie et de la politesse.
Je vois mal comment, à long terme, une démocratie peut survivre dans ce climat de censure généralisée, en se complaisant dans cette forme de nihilisme existentiel. On nous dit : tout se vaut. Autrement dit, rien ne vaut rien. Dans un monde qui quitte peu à peu le paradis artificiel de la douceur consumériste, où les fondements de la société sont à nouveau discutés, il faudrait se rappeler que la démocratie repose sur un héritage de civilisation, et que sans lui, elle s’asséchera.
Notre société veut maximiser les libertés individuelles, jusqu’à effacer le collectif, et elle s’interdit de juger les comportements des uns et des autres, sous prétexte qu’il reviendrait à chacun de choisir ses valeurs. Chaque individu est un petit roi, et pour peu qu’il soit authentique dans ses croyances, on se refusera de le juger. C’est toujours à la société à s’adapter à lui, jamais le contraire. C’est ainsi qu’on en vient à confondre des caprices identitaires et des droits fondamentaux.
Mais notre société, qui se veut absolument tolérante, se montre aussi d’une intolérance idéologique décomplexée devant ceux qui questionnent cet individualisme relativiste. Ceux-là, elle les traite comme des ennemis publics, comme des ennemis de la liberté. Dès qu’ils parlent, on cherche à leur coller une contravention idéologique en les accusant de xénophobie ou d’autres dérives semblables. On cherche à les culpabiliser. Cela devient lassant.
L’affaire du niqab en garderie me conduit à cette brève réflexion. Il est fascinant de voir à quel point le respect obligatoire de toutes les croyances et de leurs implications sociales, au nom, bien souvent, du respect de la «diversité», conduit inévitablement à une dissolution de toute réflexion politique dans la mièvrerie des bons sentiments. On nous dit : vive le respect de la différence. D’accord. Mais de toutes les différences, vraiment? Ou la différence est-elle un bien en soi, peu importe la réalité qu’elle recouvre?
On nous dit : il faut non seulement respecter la liberté de l’autre, mais il faut aussi endosser ses choix, et s’interdire de les critiquer, parce qu’on risquerait alors de fragiliser son estime de lui-même. Autrement dit, la liberté de chacun d’exprimer publiquement son authenticité ne s’accompagne plus de la liberté des autres de juger du bon ou du mauvais usage de cette liberté. Comment ne pas y voir une forme de liberté d’expression à sens unique?
On cherche à fabriquer une culture aseptisée, ou la moindre réflexion sur les valeurs ou la société cherchant à transcender les limites de l’individualisme radical est suspectée d’intolérance. Et dès qu’un comportement culturel est dénoncé, on s’indigne d’une supposée chasse aux sorcières. Et on invitera ainsi l’école, peu à peu, à promouvoir le respect de toutes les croyances, quelles qu’elles soient, et le système médiatique, par ses voix les plus autorisées, se reconnaîtra un semblable programme. C’est le triomphe de la pensée molle.
Ce n’est pas le moindre des paradoxes de voir que des symboles culturelles absolument archaïques, qui symbolisent objectivement une forme de ségrégation sexuelle radicale, contraire aux fondements de la civilisation occidentale, parviennent à justifier leur présence dans notre société en retournant contre elle la logique des droits de la personne. Il y a un angle-mort dans la culture des droits, mais nous nous interdisons d’y réfléchir. Le niqab en garderie au nom des droits de la personne? Il fallait y penser.
En fait, cette forme d’amour obligatoire de «l’autre», quel qu’il soit, prescrit par l’idéologie multiculturaliste empêche la réflexion, la pensée, l’examen critique des croyances et des idées. D’ailleurs, à «l’autre», parce qu’il est «autre», on pardonnera des choses qu’on reprocherait à n’importe quel individu ayant le malheur d’appartenir à la majorité, groupe honni, s’il en est un, toujours soupçonné de vouloir imposer ses valeurs par la force.
Il faudrait pourtant le dire : toutes les croyances ne sont pas indistinctement respectables et l’absolutisation de l’individualisme crée à terme les conditions d’une désagrégation sociale profonde. À tout le moins, si toutes les croyances peuvent s’exprimer publiquement, il ne devrait pas être interdit, au même moment, de les critiquer aussi librement qu’on le souhaite. Cela, bien évidemment, dans le respect des règles élémentaires de la courtoisie et de la politesse.
Je vois mal comment, à long terme, une démocratie peut survivre dans ce climat de censure généralisée, en se complaisant dans cette forme de nihilisme existentiel. On nous dit : tout se vaut. Autrement dit, rien ne vaut rien. Dans un monde qui quitte peu à peu le paradis artificiel de la douceur consumériste, où les fondements de la société sont à nouveau discutés, il faudrait se rappeler que la démocratie repose sur un héritage de civilisation, et que sans lui, elle s’asséchera.
Notre société veut maximiser les libertés individuelles, jusqu’à effacer le collectif, et elle s’interdit de juger les comportements des uns et des autres, sous prétexte qu’il reviendrait à chacun de choisir ses valeurs. Chaque individu est un petit roi, et pour peu qu’il soit authentique dans ses croyances, on se refusera de le juger. C’est toujours à la société à s’adapter à lui, jamais le contraire. C’est ainsi qu’on en vient à confondre des caprices identitaires et des droits fondamentaux.
Mais notre société, qui se veut absolument tolérante, se montre aussi d’une intolérance idéologique décomplexée devant ceux qui questionnent cet individualisme relativiste. Ceux-là, elle les traite comme des ennemis publics, comme des ennemis de la liberté. Dès qu’ils parlent, on cherche à leur coller une contravention idéologique en les accusant de xénophobie ou d’autres dérives semblables. On cherche à les culpabiliser. Cela devient lassant.
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