samedi 23 novembre 2013

Un mur appelé niqab

Lourde de portée, cette photo montrant deux éducatrices en service de garde couvertes du niqab. On aura beau appeler à l’ouverture d’esprit, la grande majorité des Québécois de toutes origines vit un profond malaise devant des femmes cachées, masquées, reliées au monde par une minuscule fente pour la vue. En fait, une fente si petite qu’on a l’impression qu’elles la feraient disparaître si elles pouvaient se déplacer sans leurs yeux.

On peut simplifier la question en se demandant si la charte en tant que solution universelle devrait voir son application étendue jusqu'aux garderies privées non subventionnées. Le ministre Drainville a feint d’ouvrir cette porte pour faire écho à la grogne populaire. Je suis convaincu qu’il n’a aucune intention d’aller aussi loin avec des interdictions dans la sphère privée.

Le questionnement est bien plus large que l’application d’une charte imposant une règle dans les services publics. On est en face d’enjeux concernant l’intégration des nouveaux arrivants, de compatibilité des valeurs, de place des femmes dans le Québec de demain et du vivre-ensemble avec des visions du monde aussi diamétralement opposées.

DIALOGUE OBSTRUÉ

Arrêtons-nous sur la réaction de la propriétaire de cette garderie, qui se dit outrée par la publication de la photo. Elle se plaint que la dame qui a assisté à la scène ait choisi de la photographier plutôt que d’aller dialoguer avec les éducatrices. Voilà qui est au cœur du problème. Un niqab, comme toutes les formes de voiles qui masquent le visage, constitue un mur, une terrible barrière à la communication. On a même l’impression que c’est ça, le but: se couper du monde, limiter la communication avec l’extérieur au strict minimum. Loin d’une invitation au dialogue!

En matière d’immigration, le Québec mise depuis longtemps sur l’intégration. Cette intégration à une société d’accueil doit laisser place à un très large spectre de différences culturelles, de spécificités personnelles reflétant son origine. Toutefois, se peut-il que certains comportements témoignent plutôt d’une volonté de mener ici une vie en parallèle? Et si on accepte que des immigrants de première génération vivent une intégration incomplète, imaginez quel message on envoie aux jeunes filles qui sont dans ce service de garde concernant la place des femmes dans la société.

DERRIÈRE LE NIQAB

Finalement, il faut bien s’interroger sur le sens profond du niqab, même pour les femmes qui affirment publiquement le porter par choix personnel. J’ai interviewé cette semaine l’universitaire tunisien Habib Kazdaghli, qui a dû se battre pour éviter l’islamisation de la faculté universitaire qu’il dirige en banlieue de Tunis, jusqu'à devoir être protégé par des gardes du corps.

Les intégristes religieux qui sont ses ennemis voulaient quoi? D'abord imposer le niqab à toutes les femmes, puis mettre un mur dans le milieu des classes pour séparer hommes et femmes, puis limiter le droit d’enseigner des femmes, puis mettre la faculté au service du religieux.

Le niqab, plus qu’un voile, est un mur entre certaines femmes et le reste de la société. Derrière ce mur, il y a aussi une vision du monde…

http://www.journaldemontreal.com/2013/11/22/un-mur-appele-niqab#.UpCtr4v3eHA.facebook


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