En réaction au texte «Projet de mosquée dans Saint-Sauveur; Beaucoup de préjugés» de la journaliste Annie Mathieu
En ce qui a trait au projet controversé d'une mosquée dans le quartier Saint-Sauveur de Québec, le porte-parole de la Mosquée de la Capitale, Mohamed Hafid, soutient que «les résidents du secteur «sont très mal renseignés sur l'islam», qu'il aura «beaucoup de pain sur la planche pour «éduquer» les gens sur sa religion» parce que «en général les gens sont très ignorants de la religion musulmane [et] ils ont beaucoup de préjugés».
M. Hafid a tranché! Mais la mauvaise presse circulant sur l'islam n'est-elle pas d'abord due aux extrémistes islamiques d'ici et d'ailleurs, ainsi qu'aux musulmans modérés dont le silence cautionne les activités de ces fanatiques? Par exemple, quand «les musulmans pacifiques et respectueux des libertés d'autrui» (Joseph Facal) s'élèveront-ils contre «la campagne d'intimidation dont est victime Djemila Benhabid, et Benoît Dutrizac pour l'avoir interviewée»?
Quand Mohamed Hafid donnera-t-il l'exemple en réprouvant publiquement cette «tonne de courriels d'insultes et de menaces provenant d'un groupe musulman anonyme» adressés à Mme Benhabid? Les Mohamed Hafid de ce monde condamneront-ils avec véhémence les sept assassinats, notamment des trois enfants juifs, perpétrés par Mohamed Merah, un jeune islamiste de 24 ans se réclamant d'Al-Qaïda?
Comme la critique la plus sévère de leur religion émane de coréligionnaires ayant dû fuir des régimes islamiques, ces musulmans peuvent-ils être accusés d'ignorance et de préjugés envers l'islam? Il y a évidemment des préjugés, et il faut les combattre; mais les musulmans désirant «éduquer» les Québécois devraient admettre que le discrédit dont leur religion fait l'objet n'est pas du tout dénué de fondement. Dans son récent article «Les punitions divines», Joseph Facal fait une fois de plus une éloquente démonstration du bien-fondé de cette mauvaise réputation. L'islam étant une religion caractérisée surtout par nombreuses dérives, ces dénonciations pourraient être le meilleur enseignement à offrir aux Québécois.
Cependant, par les temps qui courent, les adeptes d'Allah, qui se donnent la mission de projeter une bonne vision de l'islam, auront la tâche difficile, car il existe autant d'islams que de musulmans! Étant donné que cette «religion du livre» n'a pas une autorité centrale pour élaborer une interprétation normative du Coran en faisant la «part du feu» dans ce «livre sacré» du VIIe siècle, n'importe quel musulman peut ainsi en faire sa propre lecture! N'en déplaise aux Mohamed Hafid de ce monde, les cas d'obscurantisme islamique rapportés par les médias et plusieurs sites Internet ne se comptent plus; les services secrets canadiens ont répertorié il y a quelques années environ 40 organisations terroristes islamiques à travers le monde; Antoine Spheir, pour sa part, a recensé au moins une quinzaine de pays dont la Charia constitue le code civil et religieux; on entend de plus en plus parler de persécutions contre des chrétiens. Certes, il conviendrait de faire la différence entre l'islam et l'islamisme; ce sera un travail ardu car les islamistes se considèrent comme étant les vrais musulmans fidèles aux enseignements d'Allah et de son prophète. Il s'avère donc difficile de distinguer les «bons musulmans» d'avec les «mauvais» (une amie musulmane), d'où la méfiance de beaucoup de Québécois à l'égard de tous les musulmans sans exception.
Or, au Québec, cette méfiance est entretenue particulièrement par «les voilées et les barbus» (un ami musulman) qui affichent leur appartenance à l'islam. Ces croyants zélés comprendront-ils un jour qu'ils ne sont pas acceptés, mais plutôt tolérés en raison de la perception négative accolée à leurs habillements? Certains musulmans sont, par contre, conscients que le voile islamique, quelles que soient la sorte et les raisons de le porter, s'avère, entre autres, un obstacle important à une véritable acception de leur religion.
Dans une entrevue accordée à Mihai Claudiu Cristea en 2009, l'homme d'affaires, Mohamed El Khayat, explique sa décision de ne pas embaucher dans son entreprise des femmes voilées: «[ses] clients ne seraient pas à l'aise de faire affaire avec des femmes voilées». Le rédacteur de la revue Les immigrants de la Capitale s'est alors demandé si cet entrepreneur était «moins tolérant que la mairesse Boucher». Honte à Parcs Canada d'avoir pris l'initiative de confectionner un costume intégrant le hijab à la suite d'une seule demande d'accommodement.
Puisque l'ouverture doit venir non seulement des chrétiens mais également des musulmans, l'abandon du voile islamique que plusieurs Québécois, dont des musulmans, désignent comme un symbole d'asservissement de la femme serait sûrement interprété comme un effort sincère d'intégration à la société québécoise. Bien des Québécois voient d'un mauvais oeil des croyants se servir de leur religion pour justifier des pratiques qu'ils jugent rétrogrades. D'après des musulmans, particulièrement ceux qui ont dû s'exiler, les inconditionnels du voile islamique ne semblent pas se rendre compte qu'ils servent les intérêts des islamistes d'ici et d'ailleurs qui ont fait du voile leur porte-étendard. C'est donc aux musulmans qu'incombe la responsabilité de rectifier le tir et d'incarner un «islam des lumières» ouvert aux valeurs fondamentales de la modernité.
Mohamed Hafid se permet d'ajouter «que si on veut avoir des immigrants, il faut avoir des lieux pour qu'ils puissent pratiquer leur religion». Bien qu'il soit important d'en avoir au Québec, leur présence peut se révéler non seulement une source d'enrichissement pour la société d'accueil mais également une source d'appauvrissement. La Commission Bouchard-Taylor n'a-t-elle pas été instituée à la suite de demandes «d'accommodements pour motifs religieux» fort controversés? «Dans son livre choc Devenir Québécois: c'est compliqué... mais pas tant que ça, Tania Longpré soulève que de «nombreux immigrants récents ou reçus il y a longtemps refusent la langue et les valeurs du Québec».(Journal de Québec) Ces valeurs, réaffirmées par le premier ministre Jean Charest, sont «la primauté du français, l'égalité de l'homme et de la femme et la séparation de l'Église et de l'État», c'est-à-dire la neutralité de l'État en matière religieuse. À quand une politique fédérale d'immigration qui tiendra compte de celle du Québec fondée sur l'interculturalisme? En France, depuis quelques années, on offre aux imams des cours de sensibilisation aux valeurs fondamentales de la république; donnera-t-on au Québec de tels cours aux imams d'ici afin qu'ils puissent inculquer ce nouveau savoir aux fidèles de leurs mosquées? Si ces enseignements avaient existé, le fameux imam Saïd Jaziri aurait pu en profiter; aurait-il eu néanmoins la volonté de les suivre? On pourrait évidemment suggérer ces cours aux responsables d'autres confessions religieuses.
L'islam radical n'est malheureusement pas une réalité récente. Un exemple parmi d'autres. En 1913, l'égyptien Mansour Falmy fut «persécuté et écarté de l'enseignement [universitaire et] finit ses jours intellectuellement brisé». (Mohammed Harbi) Son crime: avoir soutenu à la Sorbonne une thèse sur «La condition de la femme dans l'islam». Son écrit «fut jugé hostile à l'islam et à son prophète». (M. Harbi) Récemment, le Grand Mufti d'Arabie saoudite «a appelé à détruire toutes les églises de la région». L'obscurantisme religieux dans certains pays ayant pratiquement obtenu ses lettres de noblesse, les Mohamed Hafid de ce monde sont plutôt mal placés pour faire la leçon aux Québécois.
En terminant, j'aimerais préciser que je ne suis pas opposé à l'établissement d'une mosquée dans le quartier Saint-Sauveur: les musulmans de Québec n'envisagent pas d'empêcher les catholiques d'ici de pratiquer leur religion, comme c'est le cas dans les pays islamiques. Au Québec, ce sont des catholiques qui ferment leurs églises. Vu la montée du conservatisme religieux en Occident, les décisions d'ériger des mosquées ne devraient pas pour autant être prises à la légère, à n'importe quel prix. Devant l'intransigeance de certains pratiquants, des musulmans modérés préfèrent ne pas aller à la mosquée: quelle sorte de croyants fréquenteront alors cette nouvelle mosquée?
Jean-Charles Castilloux, Québec
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